B. Eléments significatifs

1.Image

Le terme Onmyo-za lui-même fait référence à l’onmyôdô, pratique des onmyôji*, et représente l’association du Yin et du Yang, à l’image des deux chanteurs et des deux guitares. Les thèmes mettant en exergue ces deux forces opposées mais complémentaires sont très présents dans leur musique.

Onmyo-za entretient une image particulière, en lien avec la culture classique. Les membres du groupe portent des costumes à la mode de Heian, la façon dont ils maquillent leurs yeux d’un long trait noir peut rappeler les usages du kabuki, où l’œil est parfois prolongé vers l’extérieur et l’intérieur du visage.1

Chaque membre possède un nom d’artiste qui consiste en un jeu de mot faisant référence aux chats. Par exemple, Maneki peut vouloir dire « invoquer un démon », mais fait aussi penser au maneki neko*. Le côté mystique s’allie à une part humoristique présente dans plusieurs aspects du groupe.

Il me paraît judicieux d’effectuer ici une mise en garde. Le public français intéressé par le rock japonais situe souvent dans celui-ci la branche fort développée du Visual-Kei*. A ce propos, il s’agit de bien différencier les genres. Ainsi, depuis l’intention du groupe, en passant par sa musique, jusqu’à son public, Onmyo-za ne peut se lier à ce genre si en vogue que par quelques analogies. La première est que, si la plupart des groupes de Visual-Kei jouent du travestissement, à contre-genre, donc, Onmyo-za va seulement à contre-temps. L’analogie la plus fréquente sera pourtant bien d’ordre physique. Le costume est très présent dans les deux genres et les groupes apprécient de s’en servir à outrance. Cependant, peu d’icônes du Visual-Kei conservent ces apparences après s’être assuré un certain succès. Onmyo-za, actif depuis dix ans, ne se vêt donc pas ainsi spécialement pour le plaisir de son public.

2.Musique

Certaines sonorités sont fort intéressantes : dans un certain nombre de chansons, on note la présence d’instruments classiques censés exacerber une ambiance spécifique : clochettes, flûte, tambour, litanies… C’est le cas de la chanson titrée Onmyôji陰陽師, qui est introduite par le son d’un koto*, ainsi que de Kôga Ninpôchô 甲賀忍法帖, soutenu par une flûte traditionnelle. Le chant est parfois détourné du théâtre classique, ou composé de litanies, récitations, imitations de chants folkloriques en introduction à certaines chansons…

3.Langage

S’ajoutant à l’image et au son, les jeux de langue sont très présents dans les chansons du groupe. Certaines sont chantées dans un dialecte particulier, d’autres présentent des structures, termes et grammaires anciens ou spécifiques. On repère ainsi la présence de bungo*, langue classique, à plusieurs reprises, parfois de façon ponctuelle dans une chanson, pour isoler le monologue d’un personnage. L’utilisation de cette langue dépend évidemment de la période ou de l’élément évoqué. Par exemple, dans les chansons Oni , Koori no kusabi氷の楔, ou encore Ôka no kotowari桜花ノ理, on retrouve des structures anciennes, repérables notamment grâce aux négations, aux adjectifs en ki () ou shiki (しき) et à l’absence de petit tsu (). En japonais moderne ces terminaisons serait -i () ou -shii (しい).

On notera tout de même que ce choix n’est pas respecté pour chaque chanson de ce type et que le groupe utilise librement plusieurs langues différentes. Certaines chansons inspirées du folklore ou de la littérature peuvent être présentées sous des formes très modernes, tandis que d’autres, sans visiblement appartenir à un répertoire classique, sont chantées entièrement en bungo. Par exemple, dans Muma Enjô 夢魔炎上, on trouve un dialogue entre deux personnages du XIIe siècle. Alors que le reste de la chanson est plutôt moderne, on utilise des conjugaisons classiques dans le dialogue. En revanche, s’y opposent quelques structures modernes qui montrent que le groupe ne cherche pas forcément à respecter un style spécifique. On peut également rappeler la chose suivante : le langage anciennement utilisé à l’oral peut varier selon les époques, ce qui rend le jugement difficile.

4.Thèmes

Outrepassant davantage encore ces côtés originaux, les thèmes du groupe font le plus souvent référence au folklore, à la littérature ou à l’histoire japonaises. Par exemple, Koori no kusabi évoque yuki onna*. Si elle en est inspirée de façon évidente, les paroles donnent une vision différente de ce personnage tantôt horrifiant, tantôt poétique. La chanson, par ailleurs, est une ballade2 de toute beauté.

On ne peut parler des thèmes affectionnés par Onmyo-za sans évoquer la série des Ninpôchô (Les Manuscrits ninja3). En effet, l’une des grandes inspirations du compositeur, Matatabi, est l’œuvre de Yamada Fûtarô*山田風太郎. Le groupe a ainsi repris le thème des ninjas vus par cet auteur dans une douzaine de chansons, entre autres le succèsga Ninpôchô4. On citera également, dans leurs références, Kyogoku Natsuhiko* 京極夏彦, de nombreux mythes et légendes, issus du Kojiki, du Taketori monogatari*, de la guerre de Genpei*, l’époque Sengoku*, etc. Certaines pièces ont été composées pour l’animation, d’autres pour un jeu vidéo, et même pour une machine de pachinko.

Tous ces éléments rendent les chansons du groupe complexes à étudier et intéressantes à traduire, pour une autre raison encore, qui va me permettre d’intégrer à ce mémoire un peu de modernité.

1Annexe p.3
2Terme emprunté à l'anglais « ballad »,  utilisé dans l'univers de la musique populaire rock pour désigner un morceau calme et doux dans lequel la ou les voix sont accompagnées d'instruments acoustiques. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Ballade)
3D'après la traduction du titre Yagyû ninpôchô 柳生忍法帖publié aux éditions Philippe Picquier
4Annexe p.4

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